Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/260

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« Chaque livre nouveau le faisait plus grand. C’était la gloire. Et tous nous admirions en lui ce merveilleux excès de vie qui, par un miracle de la nature, mêlait à toutes les fleurs de printemps les fruits plus savoureux de la maturité, sans que rien pût tarir l’exubérance de la sève qui montait à ce cer- veau puissant.

« Quant à lui, il semblait qu’il ne sût comment se dépenser. Les exercices violents le passionnaient. Il se plaisait à remonter, à force de rames, le cours des fleuves. Né près de la mer, il l’aimait. Elle exaltait, elle berçait son âme joyeuse et morose. Poussé par un vieil instinct de race, il descendit au sud, vers le soleil. Il a, sous la proue de son yacht, en tous sens, fait écumer la Méditerranée, que les Vikings, ses ancêtres, eussent écumée. Mais Guy de Maupassant était né trop tard, en cette fin de siècle où il faut traverser l’Afrique entière, si l’on veut pirater à l’aise. Il dut se contenter d’exercer ses muscles et d’écrire de beaux contes.

« Il en écrivit d’admirables, d’innombrables. Sa production fut prodigieuse. En moins de douze ans, il a donné plus de vingt-cinq volumes, sans compter les récits oubliés, les articles épars. Ce n’est, a-t-on dit, que la monnaie de Flaubert. Certes. Mais une telle monnaie n’est assurément ni de billon, ni même d’argent ; car, s’il est permis de jouer hardiment sur les mots, quel amas du métal le plus précieux ne faut-il pas pour monnayer un talent d’or ?

« La vie de Maupassant n’est plus, semble-t-il, qu’un voyage marqué par des étapes triomphales. Il a l’inquiétude des lieux nouveaux. Sa fantaisie