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Page:Luxembourg - Réforme ou révolution ? Les lunettes anglaises. Le but final.djvu/38

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surger contre les universitaires », nous montrent clairement ce qu’est la plaie que le Parti n’a pas eu peur de débrider.

Sans doute les milieux bourgeois d’aujourd’hui peuvent-ils considérer comme une exagération ridicule et barbare le grand bruit soulevé parmi les socialistes au sujet de « bagatelles » que dans tout parti bourgeois on aurait liquidées avec un haussement d’épaules et une œillade d’augure. Pour ces milieux, il est sans doute grotesque de voir un parti composé de trois millions d’hommes adultes s’agiter à propos de quelques « insincérités », dont le total ne représente, par rapport à la somme de mensonges qu’un conservateur débite en un seul de ses discours électoraux, à peu près ce que représente la lumière d’un rat de cave comparée au soleil de midi.

Le conflit avec le revisionnisme a abouti à présent à des questions de personnes, à d’humiliantes questions de personnes ! Nous ne pouvons le nier, nous sommes forcés de l’admettre avec une contrition profonde. C’est que voilà : nous ne sommes pas dans la même situation commode que les nationaux-libéraux ou le centre, les hobereaux prussiens ou les démocrates, pour lesquels la corruption politique et l’art de tromper les masses sont les fondements mêmes de leur existence politique, grâce à quoi les petites infamies individuelles disparaissent dans l’action d’ensemble comme une goutte d’eau dans l’Océan.

D’ailleurs, un instinct de classe très sûr se révèle dans la grande colère de la bourgeoisie. Ce soulèvement de la masse prolétarienne contre des cas isolés de corruption parmi « les universitaires » irrite extrêmement les bourgeois parce qu’ils y perçoivent l’aspect le plus pernicieux — pour eux — du mouvement ouvrier moderne, à savoir le changement radical que la social-démocratie a apporté depuis un demi-siècle dans les rapports entre la « masse » et les « chefs ».

Le mot de Goethe sur « l’odieuse majorité » qui serait composée de quelques entraînants vigoureux, d’un bon nombre de coquins qui s’adaptent, de faibles qui se laissent assimiler et de la « masse » qui « trotte en queue sans savoir le moins du monde ce qu’elle veut », ce mot par lequel les plumitifs bourgeois voudraient caractériser la masse socialiste, n’est que le schéma classique des « majorités » dans les partis bourgeois. Dans toutes les luttes de classe passées, qui furent menées dans l’intérêt de minorités, et où, pour parler avec Marx, « tout le développement s’est effectué en opposition à la grande masse du peuple », une des conditions essentielles de l’action était l’inconscience de la masse quant aux buts véritables, au contenu matériel et aux limites de ce mouvement. Cette discordance était d’ailleurs la base historique spécifique du « rôle dirigeant » de la bourgeoisie « instruite » auquel correspondait le « suivisme » de la masse.

Mais, ainsi que Marx l’écrivait déjà en 1845, « avec la profon-