Page:Luzel - Contes bretons, Clairet, 1870.djvu/32

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nic se mit à jouer de son chalumeau de paille, Fistilou, à danser à gambader et à jeter son chapeau en l’air, en criant : — iou ! iou ! hou ! hou ! — Et l’on accourait de tous côtés, l’on se foulait, l’on se pressait pour les voir. Jamais les habitants de cette ville n’avaient ouï pareille musique, ni vu semblable danse. Les pièces de deux sols et même de deux réaux (cinquante centimes) pleuvaient autour d’eux, et ils firent une magnifique recette, cinq ou six écus, au moins. Le lendemain ils recommencèrent, et la recette fut encore excellente. Ils ne se possédaient pas de joie.

Mais Fistilou eut alors une malheureuse idée. Il pensa que, puisqu’il gagnait tant d’argent avec un simple chalumeau de paille, s’ils avaient un violon, ils en gagneraient dix fois plus. On acheta donc un violon, et Allanic se mit à en racler de manière à écorcher les oreilles les moins délicates. N’importe ! ils trouvaient que c’était charmant, et ils s’en promettaient merveilles. Ils allèrent alors dans une autre ville pour expérimenter leur nouvelle méthode. Dès en arrivant, ils se mirent à jouer et à danser sur une place publique. Mais ils furent bien étonnés de voir que les habitants de cette ville, loin d’accourir à eux, fuyaient en courant et en se bouchant les oreilles ; et au lieu de pièces de deux sols et de deux réaux (cinquante centimes), ils ne reçurent, cette fois, que des injures et des pierres ; si bien qu’il leur fallut quitter la ville au plus vite.

— Décidément ces gens-là n’aiment pas la belle musique ! se disaient-ils, quand ils furent à l’abri des pierres. Il faudra revenir aux chalumeaux de paille.