Page:Luzel - Contes populaires, volume 3, 1887.djvu/152

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l’aimez, j’ai voulu que vous en ayez aussi votre part. Tenez, ma fille chérie, mangez cela, c’est moi-même qui l’ai préparé, et il doit être bon, car j’y ai mis tout mon savoir-faire.

La pauvre Yvonne, qui ne pensait jamais à mal, crut que sa marâtre avait peut-être quelque regret de l’avoir traitée si durement, jusqu’alors, et ne doutant pas de la sincérité des bons sentiments dont elle faisait présentement montre à son égard, elle s’en trouvait tout heureuse. Elle mangea du ragoût, sans hésiter, et le trouva excellent. La marâtre s’en alla alors, satisfaite et jouissant par avance de sa vengeance. Presque aussitôt, la jeune fille se trouva indisposée, au point d’être obligée de se coucher, avant son heure ordinaire. Toute la nuit, elle fut malade à mourir. Elle rejeta tout ce qu’elle avait pris, et ce fut là, sans doute, ce qui la sauva.

Le lendemain matin, de bonne heure, la marâtre courut à sa chambre, et fut bien étonnée de la trouver encore en vie. Mais, dissimulant son désappointement et sa haine, elle lui dit, d’un ton câlin :

— Comment avez-vous passé la nuit, mon enfant chérie ? Vous êtes toute pâle, et je crains que vous n’ayez eu une indigestion, pour avoir trop mangé du ragoût d’hier ?

— Ah ! ma mère, répondit Yvonne, j’ai été