Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/113

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voyaient passer sur les chemins le prenaient pour l’Ankou[1] et fuyaient, saisis de frayeur. À force de marcher et de souffrir, il finit par arriver dans son pays. Quand il fut près de chez lui, il rencontra sur le grand chemin son père, qui attendait les pauvres et les pèlerins qui viendraient à passer, afin de les emmener dans son château. Il ne reconnut pas son fils ; mais il le prit néanmoins par la main et le conduisit au château. Il lui fit faire un bon feu pour se chauffer (car le temps était froid), et resta dans sa société, le soignant et causant avec lui comme avec un vieil ami. Il voulut même le faire asseoir à sa table, quand fut venue l’heure du repas. Mais la dame dit, d’un ton de mépris :

— Ça ne mangera pas à ma table, j’espère bien ; il pue comme une charogne ; je pense qu’il sera à sa place dans la cuisine, si les domestiques veulent le souffrir.

Le vieux seigneur n’osa pas résister, et il sortit lui-même avec son pauvre, et mangea avec lui à la cuisine. Après souper, il voulut le faire coucher dans une chambre près de la sienne, car il se sentait attiré vers ce pauvre, sans savoir pourquoi, et son cœur battait avec force. Mais la dame dit encore, d’un ton courroucé :

  1. L’Ankou, c’est la mort personnifiée.