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Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/308

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Il y avait dix ans qu’il en était parti, et personne s’y attendait plus à le revoir. Pendant son absence, son fils, qui n’était pas resté longtemps avec le marchand de pourceaux, était retourné à l’école, et avait étudié pour être prêtre. Le jour même où son père arrivait dans le pays, il devait dire sa première messe, et, à cette occasion, il y avait un grand repas au manoir de Tromelin. Le vieux marquis, instruit de tout cela, se déguisa en mendiant et alla à la cuisine demander l’aumône. Personne ne le reconnaissait. Sa femme, qui trouvait là, lui dit :

— Oui, mon ami, pauvre de Dieu, vous aurez à manger votre content ; depuis que j’ai perdu mon mari, je n’ai jamais refusé un pauvre.

— Que la bénédiction de Dieu soit sur vous, ma bonne dame ! Vous célébrez aujourd’hui une grande fête, il me semble ?

— Oui ! mon fils doit dire sa première messe aujourd’hui même, et nous en sommes tous heureux. Ah ! plût à Dieu que son père vécût encore, pour avoir sa part de notre joie et notre bonheur !

— Ayez confiance en la bonté de Dieu, ma bonne dame ; peut-être vit-il encore.

— Ah ! si cela pouvait être ! mais, hélas !…

La dame lui fit donner des vêtements, pour s’habiller proprement (c’étaient ses propres habits)