Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/107

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— Je ne vois plus qu’une chose à faire. Il y a, non loin d’ici, un vieux chêne dont le tronc creux est rempli de vipères et de reptiles venimeux de toute sorte : qu’on la mette dans le tronc de ce chêne, et qu’on l’y laisse sans nourriture.

Deux valets furent chargés par la marâtre de mettre Déodié dans le tronc du vieux chêne. Un petit chien, qui la suivait partout, l’accompagna dans cette horrible prison.

— Mon pauvre petit chien, lui disait Déodié, je te plains. Pour n’avoir pas voulu abandonner ta maîtresse, il te faudra aussi mourir de faim, comme elle ! Et pourtant, tu n’as jamais fait de mal à personne, toi, et ton seul crime, aux yeux de cette femme sans entrailles, est de m’aimer !...

Le petit chien prit alors la parole et dit à sa maîtresse :

— Vous ne mourrez pas de faim ici, ma bonne maîtresse, et pendant qu’il y aura à manger dans la maison de votre père, vous en aurez votre part, malgré votre marâtre.

Le petit chien fit tant des pattes qu’il creusa sous les racines de l’arbre un chemin souterrain par où il put sortir et rentrer à volonté. Et il allait, tous les jours, au château et dérobait ce qu’il pouvait à la cuisine, tantôt du pain, tantôt de la viande, et l’apportait en toute hâte à sa maîtresse, et ils vécurent ainsi pendant plusieurs