Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/20

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manda quelle était celle qui conduisait à la ville voisine. Le mendiant la lui montra avec la main. Pour l’en remercier, l’autre le poussa de l’épaule, et, comme le pont manquait de garde-fou, le mendiant tomba dans la rivière, où il se noya.

— Dieu ! qu’as-tu fait là, malheureux ? s’écria le vieillard, en levant les mains au ciel. Je ne veux plus de ta société, car tu ne peux être qu’un démon. Séparons-nous, ici même ; va par un de ces deux chemins, et moi, je suivrai l’autre.

— Écoutez-moi auparavant, mon père, et vous verrez que je n’ai rien fait de mal, bien au contraire. Ce mendiant avait été un honnête homme, toute sa vie, jusqu’à présent ; mais il allait cesser de l’être : à quelques pas d’ici, si je l’avais laissé vivre, il aurait assassiné un autre mendiant, pour le voler. Alors il aurait été damné pour l’éternité, et à présent, il est sauvé. Vous voyez donc que, loin de lui faire du mal, je lui ai rendu service.

L’ermite grommela quelques paroles, d’un air mécontent et peu convaincu, et ils continuèrent leur route en silence.

Ils arrivèrent alors à une grande lande, où ils aperçurent une pauvre hutte construite avec de l’argile et des mottes de terre, et recouverte de fougères sèches et de joncs des marais. Là habitait un vieux solitaire, qui s’y était retiré du monde