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Ce conte a été également recueilli en Allemagne par les frères Grimm, et la brièveté de leur version me permet de la reproduire intégralement.

« Un jour, un homme était assis devant sa porte, avec sa femme. Ils avaient devant eux un poulet rôti dont ils s’apprêtaient à se régaler. L’homme vit venir de loin son vieux père. Aussitôt il se hâta de cacher le plat, pour n’avoir pas à en donner au vieillard. Celui-ci but seulement un coup et s’en retourna.

« À ce moment, le fils alla chercher le plat pour le mettre sur la table. Mais le poulet rôti s’était changé en un gros crapaud qui lui sauta au visage et s’y attacha pour toujours. Quand on essayait de l’enlever, l’horrible bête lançait sur les gens un regard venimeux, comme si elle allait se jeter dessus, si bien que personne n’osait en approcher. Le fils ingrat était condamné à la nourrir, sans quoi elle lui aurait dévoré la tête, et il passa le reste de ses jours à errer misérablement sur la terre. »

C’est évidemment la même légende que la nôtre et inspirée par la même idée morale ; mais elle est moins complète.

Nous lisons encore l’histoire qui suit dans Victor Rossi, autrement dit : Nicius Erythræus, car il avait grécisé son nom, suivant un usage assez commun au moyen âge :

« Un jeune homme de la ville de Tagliacozzo, qui était sur le point de se marier, résolut de chasser son père de la maison et de le reléguer à la campagne. Il craignait que la compagnie du vieillard ne déplût à sa jeune femme. Son père avait plus de cent ans, et était hors d’état de lui résister. Il le fit monter sur un charriot et le mena jusqu’à la porte d’une mauvaise métairie qu’ils avaient dans la campagne : c’était dans cette métairie qu’il voulait l’enfermer.

« — Mon fils, dit le vieillard, je sais ce que tu veux faire ; mais je ne te demande qu’une chose : c’est de me conduire au moins jusqu’à la table de pierre qui est dans le jardin.

« Le fils conduisit son père jusqu’à la table de pierre, et quand ils y furent arrivés :