Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cendit, ceux qui la voyaient se cachaient la face d’horreur et s’enfuyaient. Elle se mit alors à injurier et à maudire, et, à chaque mot, un crapaud lui tombait de la bouche, si bien qu’il y en eut bientôt partout dans le palais.

Personne ne pouvait supporter son haleine. Il lui fallut retourner auprès de sa mère. Quand celle-ci, qui s’attendait à revoir sa fille belle comme le jour, vit le monstre qui lui revenait, elle entra dans une telle fureur, qu’elle faillit en mourir. Elle enferma Jeanne dans une chambre, et ne la fit voir à personne.

À quelque temps de là, le roi partit pour un voyage assez lointain. La reine crut l’occasion favorable pour en finir avec Marie, qui lui était devenue plus odieuse encore depuis la dernière mésaventure de sa fille. À peine le roi fut-il sorti du palais, qu’elle chargea deux valets d’emmener avec eux Marie dans un bois voisin, de l’y mettre à mort et de lui apporter son cœur, pour qu’elle fût sûre que son ordre avait été mis à exécution. Elle paya ces deux hommes pour lui garder le secret.

Les deux valets arrachèrent la pauvre fille de son lit, au milieu de la nuit, et la traînèrent dans le bois. Mais ils furent si touchés de sa beauté, de sa douceur et de ses plaintes, qu’ils n’eurent pas le cœur de la mettre à mort. Ils la laissèrent aller