Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à Pont-ar-Goascan, une nuit du mois de novembre qu’il s’était attardé à boire, au bourg de Plouaret.

Jannic Bihan, le petit pâtre, avait entendu, dans le Prat-braz (le grand pré) de Keranborn, celui qui va partout criant d’une voix lamentable et effrayante : Ma momm ! ma momm !... (Ma mère ! ma mère !...) et qu’on ne voit jamais ; et son sang s’était glacé dans ses veines, ses cheveux s’étaient dressés sur sa tête, et ce n’est qu’à grand’peine qu’il avait pu revenir à la maison, où il était arrivé tout essoufflé, tout pâle et ne pouvant parler.

— Malheureux ! lui dit Jeannette Kérival, qui filait sur son rouet, au bas de la cuisine, et ne perdait pas un mot de ce qui se disait près du feu, il fallait réciter aussitôt un De profundis, et tu aurais délivré une pauvre âme en peine, car c’était sans doute l’âme de quelque pauvre jeune homme qui se sera perdu, malgré les conseils et les bons avis de sa mère, pour avoir trop aimé la danse, le jeu ou le cabaret ; et maintenant il est condamné à errer sur la terre des vivants, en jetant cette plainte lamentable, qui effraie tous ceux qui l’entendent, jusqu’à ce qu’il rencontre quelqu’un qui, au lieu de prendre la fuite, comme toi, récite un De profundis à son intention, et sur le lieu même.