Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/354

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— C’est, dit Fanch ar Moal, comme celui qui s’en va continuellement à travers les campagnes en disant : Sed libera nos a malo ! On a beau regarder de tous côtés, l’on ne voit rien ; l’on entend seulement une voix triste et plaintive qui dit sans cesse : Sed libera nos a malo ! sed libera nos a malo !… Je l’ai entendue très-bien, cette voix, l’an dernier, une nuit que je passais tard par le bois du Kerouez, et j’eus grand peur, ma foi !

— Il fallait tout bonnement répondre : Amen ! dit Gaod al Laouénan, et tu aurais aussi délivré une pauvre âme en peine. Songe donc combien facilement tu aurais pu délivrer cette âme, rien qu’en disant : Amen ! Si la pauvre âme ne rencontre que des peureux et des poltrons comme toi, elle souffrira longtemps encore dans le feu du purgatoire !

— C’est bien facile à vous de dire cela, ici, Gaod, reprit Fanch ar Moal, assise comme vous l’êtes là, tranquillement, à votre rouet. Mais si vous aviez été à ma place, si vous aviez entendu cette voix, comme elle était triste et lamentable, vous n’auriez pas été plus brave que moi, et vous auriez aussi gardé le silence.

— Job Guenveur, reprit Jolory, m’a assuré avoir vu le diable lui-même au Pavé-dirr[1], pas-

  1. Le Pavé-dirr, ou pavé d’acier, est un tronçon de voie romaine, encore très-reconnaissable, entre le bourg de Plouvenez-Moëdec et celui du Vieux-Marché, près de Plouaret.