Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/358

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savoir pourtant de belles histoires de revenants et de fantômes. Conte-nous aussi quelque chose.

— J’ai été longtemps, dit Pipi Gouriou, sans croire aux histoires de revenants et d’apparitions de toute sorte que j’entendais aux veillées d’hiver, et je raillais impitoyablement ceux qui y croyaient, et je traitais leurs récits de contes de bonnes femmes et d’absurdes rêveries, bons tout au plus à faire peur aux enfants et aux jeunes filles. Aujourd’hui, il n’en est plus de même. Je n’ai peur d’aucun être vivant sur la terre, animal ou homme, pourvu qu’il n’ait qu’un baptême sur sa tête[1] (c’était un géant pour la taille et un hercule pour la force, que Pipi Gouriou) ; mais quand il s’agit d’esprits, de fantômes, d’apparitions et de choses surnaturelles, je ne suis plus si fier. Voici à quelle occasion je me suis converti sur ce point, si vous êtes curieux de le savoir.

Dans ma jeunesse, j’étais passionné pour le jeu de cartes, et presque toutes les nuits, l’hiver, nous nous réunissions cinq ou six, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, et là nous risquions follement et perdions le plus souvent le peu d’argent dont nous pouvions disposer et que nous avions eu tant de mal à gagner. En vain mon père

  1. Expression bretonne : Mar na eûs nemet eur vadeziant war he benn.