Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/363

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mois. C’était aussi un intrépide joueur et de plus un buveur incorrigible, et qu’on était plus sûr de trouver au cabaret qu’à l’église, les dimanches et jours de fête. Et le pauvre garçon, qui m’avait reconnu, me cria : « Change de vie, Pipi Gouriou, et prie pour moi ! »

Comme je vous l’ai déjà dit, j’étais tombé sans connaissance, la face contre terre, et, au point du jour, Cadiou le tailleur, en allant en journée à Keravennou, trébucha et tomba en heurtant contre moi ; et ayant approché sa lanterne de ma figure, il me reconnut et dit : « C’est cet ivrogne de Pipi Gouriou ! Quelle ventrée il a !… » Puis il me rangea contre le talus et continua sa route.

Une charrette passa tôt après. Il faisait déjà grand jour. Le charretier me reconnut, et, me croyant aussi ivre mort, il me mit sur sa charrette et me déposa chez moi. J’en fis une maladie, et je restai huit jours sur mon lit, avec une fièvre de cheval, délirant presque continuellement et croyant toujours voir l’infernale machine et entendre les cris des suppliciés.

Dès que je pus sortir, j’allai immédiatement trouver le curé de Plouaret, et je lui commandai une messe pour Guilherm Manac’h. Et depuis, on ne m’a jamais vu toucher aux cartes ni entendu me moquer de ceux qui, aux veillées d’hi-