Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/102

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reconnais là, et j’aime les gens francs et sans façons. Va, nous t’écoutons.[1].

— Nous bivouaquions une nuit dans la plaine de la Mitidja…

— Non, non ! pas de cela. N’allons pas si loin, s’il te plaît, restons en Basse-Bretagne.

— Quoi donc ? il faut me laisser vous raconter comment…

— Comment tu pourfondis un géant Arabe, n’est-ce pas ? ou dispersas, seul, et mis en fuite toute une armée de Bédouins, mon bel Amadis ? Non ; dis-nous tout simplement ce qui t’arriva, une nuit, en revenant du Vieux-Marché, où tu t’étais attardé à une table de jeu.

— Je n’aime pas beaucoup à parler de ces choses là ; cependant, pour vous faire plaisir, et pour avoir la paix…

— Nous t’en serons très-reconnaissants, et écouterons ensuite tes histoires africaines.

— Eh ! bien, c’était au mois de février de je ne sais plus quelle année, — 1836 ou 1837, je crois. Nous avions chassé toute la journée, à Pédernec, à Louargat et sur la montagne de Bré ; puis, nous étions revenus souper au Vieux-Marché, les carniers bien remplis, mais les estomacs vides. Au sortir de table, on se mit à

  1. Pipi Ar Morvan avait été artilleur et avait pris part comme tel à la prise de Constantine, où le général de Lamoricière le distingua pour sa bravoure. De là lui était venu le surnom de Constantine.