Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/105

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si belle et les chemins si beaux. J’agissais sous l’impression d’une influence secrète, un je ne sais quoi que je ne puis définir.

Tout-à-coup, j’entends le bruit argentin d’une clochette, sur la route, et pas loin de moi. Je dresse les oreilles. Le son avance, avance toujours, passe devant moi et continue en s’éloignant, vers le village du Vieux-Marché. Mais, je ne voyais rien, et la clochette semblait agitée par une main invisible. Un instant après, j’entendis un bruit de sabots sur les pierres et la terre durcie de la route : je me retourne, et je vois venir par le chemin, tranquillement, gravement, un paysan de haute taille, habillé de toile blanche, son chapeau à larges bords à la main et ses cheveux blancs tombant sur ses épaules et flottant au vent. Il pouvait avoir soixante ans, ou davantage. J’avais beau l’observer, je ne le connaissais pas, et je me disais : qui donc peut être ce vieillard. Il avançait toujours. Quand il passa devant moi, je lui adressai ainsi la parole : — Bonsoir, parrain ! Vous voilà en route de bien bonne heure ! Il ne détourna pas la tête, il ne répondit pas, et continua tranquillement sa route, comme s’il n’avait pas entendu. Un peu dépité, n’étant pas habitué à de pareilles façons d’agir, je repris, d’un ton assez arrogant :

— Eh ! Mais vous êtes bien fier, mon brave homme ! Serait-ce donc vous, par hasard, qui feriez lever le soleil !