Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/137

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pour se moquer de lui. Il souhaita avoir du lard, des saucisses, du boudin, du bon cidre et du café. Et tout cela lui fut servi sur-le-champ, par des mains invisibles. — C’est bien, se dit-il, je crois que je ne m’ennuierai pas vite, si cela continue ainsi.

Quand il eut mangé et bu à discrétion, il alla se promener dans l’avenue de grands chênes qui était devant le château. Il poussa jusqu’au bout de l’avenue et y vit une ânesse maigre, décharnée, couverte de boue desséchée, comme si elle avait été roulée dans une mare. Devant elle était un fagot d’épines, en guise de foin. Il s’approcha, et ne put s’empêcher de dire : — Pauvre bête ! À peine si tu peux te tenir sur tes jambes ! Quelle faute si grande as-tu donc commise, pour être traitée de la sorte ? — Et, oubliant la recommandation du géant, il se mit à la caresser et à la débarrasser de la boue qui la souillait. Il remarqua que ses deux oreilles se touchaient par les extrémités, et, en regardant de plus près, il vit qu’elles étaient traversées par une grosse épingle. Il retira l’épingle, et aussitôt l’ânesse devint une belle princesse, qui lui dit : — Malheureux, qu’as-tu fait ? As-tu donc oublié si vite la recommandation du géant Pharaüs ? Il va arriver, dans un moment, et tu seras changé en bête, comme moi, ou en chien de pierre, ou en statue de marbre. Cependant, comme c’est la première fois que tu lui désobéis, et qu’il t’aime beaucoup, peut--