Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/202

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d’abord ce qui est arrivé à Soezik Jaguin ; Kéradec parlera après.

— Raconte-nous cela, Godic Rio, dit Perrine.

— Vous le lui avez entendu raconter vous-même, aussi bien que moi, dit Godic Rio.

— C’est vrai, mais je préfère que ce soit toi qui le raconte, ce soir.

Et Godic Rio, après quelques façons, disant qu’elle aimait mieux entendre raconter ces sortes d’histoires que les raconter elle-même, commença ainsi : — Voici comme Soezik Jaguin racontait elle-même l’histoire :

« À l’âge de cinq ou six ans, j’allai demeurer avec ma tante, à Caouennec. Mon père, comme vous le savez, a toujours été un pauvre journalier, vivant péniblement de son travail. Il était laborieux et avait du courage ; mais, il avait aussi six enfants en bas âge, tous incapables de rien gagner, et il fallait tous les jours pourvoir à manger à ces six bouches affamées. Aussi, mon père a-t-il toujours vécu pauvre et misérable, quoiqu’il travaillât nuit et jour. Nous autres, enfants, nous allions mendier par le pays, tendant la main de seuil en seuil, nu-pieds, le plus souvent, et à peine couverts de quelques lambeaux et guenilles mal assortis. Une tante que nous avions à Caouennec, et qui, en travaillant beaucoup, vivait dans une aisance relative, eût pitié de nous, et m’emmena chez elle. Ce fut une bouche inutile de