Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/57

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Ar Fur avait bu un peu trop de vin de feu (eau-de-vie), tout le long de la route, à Rostrénen, à Plouguernével et ailleurs ; il avait l’imagination échauffée et il n’y voyait que du feu.

— Je ne sais ce qu’il y a de vrai à tout cela, reprit Fancho ; mais ce que je sais bien, c’est que Mlle Julia ne donnera de paix à sa mère qu’elle n’ait fait dire des messes pour son père, mort depuis un an à peine. Elle aimait bien son père, la pauvre enfant ! et elle pense sans cesse à lui. Dernièrement encore, elle me demandait si je le croyais heureux, dans l’autre monde.

— Ainsi, Drane, vous ne croyez pas aux bruits surnaturels, aux apparitions et aux revenants ?

— Non, certainement, et il me déplaît même fort d’en entendre parler si longuement devant les enfants, au risque de les rendre peureux et poltrons pour le reste de leurs jours.

— Mais prenez garde, Ann Drane, ne serait-ce pas forfanterie chez vous, et ne seriez-vous pas de ces gens qui s’emberlucoquent si obstinément d’une opinion, qu’ils n’en veulent jamais démordre, lors même qu’il leur est démontré jusqu’à l’évidence qu’ils sont dans l’erreur ?

— J’ai entendu des gens savants discourir là-dessus, le maître d’école, le maire et le recteur lui-même, et ils se moquaient bien des pauvres innocents qui croient aux lutins et