Page:Lyndamine ou l’Optimisme des pays chauds, 1875.djvu/167

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qu’il fallait respecter publiquement. C’est toujours dans le tête-à-tête que je te parle. Dieu est Dieu, disait Mahomet dans son langage sublime. Cette seule définition m’anéantit. Dieu est celui qui est, dit la religion que l’on professe dans cette ville. Penses-tu que j’outrage ce grand être jusqu’à nourrir ma cervelle des épouvantables prodiges que l’on en raconte, et qui le dégraderaient s’ils étaient constatés ? Quoi ! cet être immense, devant lequel l’univers entier est à peine un atome, daigne, à l’ordre du premier coquin dont on a graissé les mains, descendre du ciel et prendre, en personne, possession d’un million de milliards de petits morceaux arrondis de farine cuite pour alimenter des âmes que l’on n’engraisse pas avec des corps ? Nos prêtres, qui font ce miracle quand on les paye pour le renouveler, se croient-ils donc assez puissants pour commander à l’être de tous les êtres ? Ces réflexions me font frémir. Qui croira cette absurdité, qui déshonore mon Dieu, doit être un imbécile, ou, s’il est persuadé, il doit, en célébrant la messe, avoir le plus redoutable frisson dont soit capable la machine animale.

« — Malheureux ! lui dirais-je, tu penses qu’à tes ordres ton Dieu va se placer dans une feuille de pâte que tu tiens dans les mains, et tu n’es pas confondu de ce miracle qui devrait t’anéantir et qui effraye toute la nature ? Va, tu ne le crois pas. Tu joues le public pour dix sols par jour, et je t’abandonne. »

— Ne vous mettez pas en colère, dis-je en l’interrompant ; vous me convainquez du pharisaïsme des prêtres,