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Page:Lyriques grecs - traduction Falconnet.djvu/511

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Dieu puissant, que d’autres t’appellent Boedromius, d’autres Clarius ; cent noms divers te sont donnés à l’envi. Pour moi, c’est sous le nom de Carnéen que je veux te chanter ; tel est l’usage de ma patrie.

Dieu de Carnus, Sparte fut la première à t’adorer sous ce nom : Théra suivit cet exemple, que Cyrène a depuis imité. De Sparte, le sixième descendant d’Œdipe apporta ton culte à Théra, d’où le fils de Polymneste[1] le transmit aux Asbytes[2]. Établi dans leur contrée, il t’éleva ce temple superbe, institua ces fêtes annuelles où mille et mille taureaux tombent sous la hache de tes prêtres.

Ô dieu de Carnus ! tes autels, dans la saison des frimas, sont couverts de safran parfumé ; au printemps, ils sont parés de ces fleurs variées que Zéphire fait éclore en séchant la rosée ; et dans ton sanctuaire brille une flamme éternelle, que jamais la cendre n’a couverte.

Ce fut proche des bois épais d’Azillis, et loin encore des sources de Cyré, que les guerriers doriens célébrèrent, pour la première fois, avec les blondes habitantes de la Libye, les jours consacrés au dieu de Carnus. Tu vis leurs danses, ton œil en fut réjoui ; et tu les fis remarquer à ton épouse, du haut de ce mont fameux où elle avait terrassé le lion qui désolait les troupeaux d’Eurypyle[3]. Jamais danses ne te plurent davantage ; jamais ville n’éprouva tes bienfaits autant que Cyrène : ils sont le prix des faveurs que tu ravis jadis à ta nymphe ; aussi, nul des immortels n’est plus honoré que toi par les enfants de Battus.

Io ! que tout chante, Io Pæan ! Tel fut le premier cri du peuple de Delphes, lorsqu’en sa faveur tu montras la force de tes flèches. Python, monstre épouvantable, Py-

  1. Battus, autrement nommé Aristotélès. Le poëte lui donne l’épithète d’oulos, entier, sain, parce qu’il avait été longtemps muet et qu’il recouvra la parole avant d’aller en Libye fonder la ville de Cyrène.
  2. Petit peuple de la Libye, voisin du canton où Battus établit sa colonie.
  3. Prince qui, selon la fable, régnait en Libye au temps de l’enlèvement de Cyrène.