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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/33

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RIENZI.

dans le va-et-vient désordonné de la lutte ; car ceux qui le reconnaissaient, fussent-ils des partisans les plus acharnés des Orsini, ne se souciaient pas de courir un danger odieux, c’est-à-dire de répandre le sang d’un homme qui, outre sa haute naissance et la puissance redoutable de ses parents, possédait une popularité personnelle due plutôt à la haine des vices de sa famille qu’à aucune vertu remarquable dont il eût fait preuve jusque-là. Le forgeron seul, qui n’avait pas encore pris une part active à la mêlée, sembla se concentrer dans une attitude d’opposition déterminée quand le jeune cavalier s’approcha à quelques pas de lui.

« Ne t’ai-je pas dit, fit le géant d’un air courroucé, que les Colonna étaient, non moins que les Orsini, les ennemis du peuple ! Vois ta séquelle, tes clients ; ne sont-ils pas là, à couper la gorge à de pauvres diables par manière de vengeance contre le crime d’un grand ? Mais c’est toujours comme ça qu’un patricien châtie l’insolence de son pareil. Il lance la verge sur le dos du peuple, et puis il crie : « Voyez comme je suis juste !

— Je ne te répondrai pas maintenant, repartit Adrien ; mais si tu regrettes comme moi tout ce sang perdu, essaye avec moi de l’empêcher de couler.

— Moi ? Ce ne sera pas moi ! Que le sang des esclaves coule aujourd’hui : l’heure va venir bientôt où les taches en seront lavées par le sang des maîtres.

— Loin d’ici, coquin ! » dit Adrien, sans plus chercher à parlementer et en touchant le forgeron du plat de son épée. À l’instant le marteau du forgeron s’élança en l’air, et sans un saut agile, eût infailliblement écrasé sur le sol le jeune noble.

Avant que le forgeron pût ressaisir le temps de porter un second coup, l’épée d’Adrien lui transperça deux fois le bras droit, et le marteau tomba lourdement à terre.

« Tuez-le ! tuez-le ! criaient quelques clients des Co-