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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/35

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RIENZI.

au forgeron : « Ami, je suis fâché de t’avoir blessé ; mais viens me trouver demain matin et tu verras que tu as été injuste à mon égard. » Il fit signe à l’Allemand de le suivre, et se fraya un chemin à travers la multitude qui, en général, s’écarta devant lui, car à cette époque il y avait à Rome, à l’égard de l’ordre des patriciens, au milieu de la haine la plus violente, un respect servile pour leurs personnes et une crainte mystérieuse de leur irrésistible pouvoir.

Lorsque Adrien passait à travers cette partie de la foule, où on n’en était pas encore venu aux mains, les murmures qui l’accompagnaient n’étaient pas de ceux qu’auraient pu entendre beaucoup de membres de sa famille.

« Un Colonna ? disait l’un.

— Oui, et cependant ce n’est pas un ravisseur, disait l’autre avec un rire sauvage.

— Ni un meurtrier, murmurait un troisième pressant sa main sur sa poitrine. Ce n’est point contre lui que crie tout haut le sang de mon père.

— Bénissons-le, ajoutait un quatrième, car jusqu’ici personne ne le maudit !

— Ah ! Dieu nous aide ! » dit un vieillard à longue barbe grise, s’appuyant sur son bâton « le serpent est encore tout petit : laissez faire, les dents lui pousseront toujours assez tôt.

— Fi donc ! père, c’est un bon jeune homme et pas fier du tout. — Quel joli sourire ! dit une belle matrone qui se tenait sur les limites de la mêlée.

— Adieu à l’honneur du mari quand un noble sourit à sa femme ! fut la réplique.

— Bah ! dit Luigi, jovial boucher, à l’œil malin, ce qu’un homme peut gagner bel et bien de femme ou de fille, qu’il en profite, soit noble, soit plébéien ; voilà ma morale ; mais quand un vieux patricien hideux, à dé-