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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/36

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RIENZI.

faut de belles paroles pour gagner deux beaux yeux, vous emporte une dame sur le dos d’un sanglier allemand, en laissant au mari, pour consolation, un poignard dans les côtes… alors je dis que c’est un gueux et un adultère. »

Tels étaient les commentaires et les murmures qui suivaient le gentilhomme ; mais le soudard allemand n’en était pas quitte à si bon marché ; il fallait voir les regards qui l’accompagnaient, les cris qui le poursuivaient.

La foule faisait place à son pas lourd et guerrier avec autant de promptitude, et plus vite peut-être, mais ce n’était pas de respect que l’œil s’animait à son approche : la joue pâle, la tête penchée, les lèvres tremblantes, chacun sentait un frisson de haine et de terreur en reconnaissant un redoutable et mortel ennemi. Et la colère du farouche mercenaire ne se trompait pas à ces signes de l’aversion qu’il inspirait à tous. Il avançait brutalement, tantôt avec le sourire du dédain, tantôt avec le sourcil froncé du ressentiment, regardant à droite et à gauche ; et ses longs cheveux fins et nattés, sa moustache brunie, son musculeux visage faisaient un contraste frappant avec les yeux noirs, les chevelures d’ébène et les frêles statures des Italiens.

« Puisse Lucifer damner deux fois ces coupe-jarrets d’Allemands !… murmura entre ses dents aiguisées un des citoyens.

— Amen ! répondit un autre de tout son cœur.

— Chut ! dit un troisième, jetant autour de lui un regard alarmé ; si l’un d’eux t’entend, tu es un homme perdu !

— Ô Rome, Rome ! où donc es-tu tombée ! soupira un citoyen habillé de noir et d’une mine plus distinguée que le reste, si, dans les rues, tu frissonnes au bruit des pas d’un barbare qui loue son courage à tant par jour !