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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/45

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RIENZI.

distance, les motifs et le but de sa conduite ; car d’une part il était atteint des soupçons que ceux de son ordre entretenaient sur le compte de Rienzi, et de l’autre il partageait l’enthousiasme confiant du peuple.

« Certainement, se disait-il maintenant en continuant sa rêveuse promenade, certainement aucun homme n’est plus à même de guérir les plaies de notre gouvernement, de pacifier nos discordes, de réveiller la léthargie de nos citoyens au souvenir des vertus de leurs ancêtres. Mais ce pouvoir même est bien dangereux. N’ai-je pas vu, dans les républiques d’Italie, des hommes honnêtes dans le principe, appelés au premier rang pour le salut public, et puis là, enivrés de cette élévation soudaine, trahir la cause pour laquelle ils avaient été portés si haut ? Il est vrai que c’étaient des grands, des nobles ; mais des plébéiens ne sont-ils pas des hommes aussi ? Bien que j’en aie assez vu et entendu de loin, je veux maintenant me rapprocher pour examiner l’homme en personne. »

Durant ce soliloque, Adrien n’avait pas pris garde aux divers passants, qui, de moins en moins nombreux à mesure que la soirée avançait, se hâtaient de rentrer au logis. Dans le nombre étaient deux femmes, qui, maintenant, occupaient seules avec Adrien la longue et sombre rue où il était entré. Déjà le ciel reflétait la clarté de la lune, et quand les femmes passèrent près du cavalier, d’un pas léger et rapide, la plus jeune se retourna et lui lança, à la clarté des étoiles, un regard ardent et cependant craintif.

« Pourquoi trembles-tu, ma charmante ? dit sa compagne qui paraissait bien avoir ses quarante-cinq ans, qu’on reconnaissait à sa tournure et à sa voix pour être d’un rang inférieur à l’autre. Les rues paraissent assez tranquilles maintenant, bénie soit la sainte Vierge ! nous ne sommes pas, l’une et l’autre, bien loin de la maison.