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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/46

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RIENZI.

— Ah ! Benedetta, c’est lui ! c’est le jeune seigneur, c’est Adrien !

— C’est heureux, reprit la nourrice, car telle était sa condition, puisqu’on le dit brave comme un Normand ; et le palais Colonna est si près d’ici que nous serons à portée de son aide dans le cas où nous en aurions besoin, c’est-à-dire, ma chérie, si vous voulez marcher un peu plus lentement que vous n’avez fait jusqu’ici.

La jeune dame ralentit le pas et soupira.

« Certes il est fort joli garçon, dit la nourrice. Mais tu feras aussi bien de ne plus penser à lui, il est trop au-dessus de toi, pour parler de mariage, et pour toute autre chose tu es bien trop honnête et ton frère trop fier…

— Et toi, Benedetta, tu es trop prompte de la langue. Comment peux-tu parler ainsi, quand tu sais que jamais il ne m’a dit un mot, si ce n’est quand j’étais encore tout enfant ? que dis-je ! à peine s’il me sait vivante ! Lui, le seigneur Adrien di Castello, rêver à la pauvre Irène ! Rien qu’y penser serait folie !

— Alors, dit lestement la nourrice, pourquoi rêves-tu de lui ? »

Sa compagne alors soupira encore plus profondément.

« Ô sainte Catherine ! poursuivit Benedetta, quand il n’y aurait qu’un homme sur terre, je mourrais célibataire, sans seulement penser à lui, avant qu’il m’eût au moins baisé la main deux fois, et que ce ne fût pas sa faute, si je ne lui avais pas laissé prendre mes lèvres pour ma main. »

La jeune dame gardait toujours le silence.

« Mais comment t’es-tu mis dans la tête de l’aimer ? demanda la nourrice. Tu ne peux pas l’avoir vu bien souvent : il n’y a guère que quatre ou cinq semaines qu’il est de retour à Rome.

— Oh ! que tu es niaise ! repartit la belle Irène. Ne t’ai-je pas dit et redit que je l’aime depuis six ans !