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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/48

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RIENZI.

pathiser avec de pareils sentiments. Même si leurs caractères avaient été plus semblables, la distance d’âge aurait rendu impossible une telle sympathie. Où l’âme de la jeunesse peut-elle trouver, si ce n’est dans la jeunesse, un écho pour toute l’harmonie de ses rêveries désordonnées et de ses romanesques folies ? La bonne nourrice ne sympathisait donc pas avec les sentiments de la jeune dame, mais elle sympathisait avec la profondeur et la chaleur qu’elle mettait à les exprimer. C’était pour elle un grand enfantillage, mais un enfantillage bien émouvant ; du coin de son voile elle s’essuya les yeux et espéra au fond de son cœur que sa jeune pupille aurait bientôt un mari véritable qui lui débarrasserait la tête de ces fantaisies chimériques. Leur conversation s’arrêta un instant ; puis, juste à la rencontre de deux rues, se fit entendre un grand tapage de rires bruyants et de pas lourds et précipités. Des torches, levées en l’air, défiaient les pâles rayons de la lune ; et à très-peu de distance des deux femmes, dans la rue transversale, s’avança une troupe de sept ou huit hommes, portant, comme le montrait la rouge lumière des torches, la redoutable livrée des Orsini.

Entre autres désordres de cette époque, c’était un usage habituel chez les nobles les plus jeunes ou les plus débauchés, d’aller, par petites troupes armées, rôder la nuit dans les rues, cherchant l’occasion d’une galanterie licencieuse aux dépens des citadins tremblants et blottis dans leurs maisons, ou d’une escarmouche à main armée contre d’autres nobles, chercheurs aussi d’aventures. C’était une bande de ce genre qu’Irène et sa compagne venaient de rencontrer par malheur.

« Sainte mère de Dieu ! s’écria Benedetta, pâlissant tout à coup et hâtant le pas : quelle malédiction est tombée sur nous ! Comment avons-nous pu être assez folles pour rester si tard chez dame Nina ! courons,