Page:Méchin-Desquins - Traduction libre de la cinquième satire de L. Arioste, 1846.djvu/10

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Choisis dans le rang même où t’ont placé les dieux.
Ah ! si l’éclat de l’or, si des titres pompeux,
Ami, pour ton malheur ont seuls pu te séduire,
Tremble au récit des maux que je vas te prédire :
Ta femme, accoutumée au faste de son rang,
Vaine de ses grands biens, ou de son noble sang,
Va changer ton réduit en palais magnifique
Et traîner sur ses pas un nombreux domestique.
Que d’or vont te coûter ses immodestes vœux !
Le jeu, les histrions, les festins somptueux
Pour charmer ses ennuis seront mis en usage.
Prépare à sa paresse un brillant équipage…
Ah ! c’en est trop, dis-tu : « quoi ! frondeur sans pitié,
Vous voulez donc aussi que ma noble moitié
Seule, gémisse à pied par la foule pressée,
Du char d’une grisette, enfin, éclaboussée ! … »
Non ; mais dois-je approuver ce goût dissipateur
Qui va d’un double écueil menacer ton bonheur ?
Car si, trop faible époux, tu ne peux te défendre,
Sous l’empire offensant qu’elle saura bien prendre,
Par sa prodigue main tu verras dispersés
Ces trésors, premier but de tes vœux insensés.
Ou si, pour éviter ta ruine prochaine,
Tu veux fermer l’oreille aux chants de ta sirène,
C’en est fait ; pour jamais renonce au doux repos.
Aux larmes du dépit, aux acerbes propos,
Sache, si tu le peux, opposer ton courage ;
Défends-toi, le mépris va se joindre à l’outrage.


Si donc tu veux devoir ton bonheur à l’hymen,
Laisse à l’égalité disposer de ta main.
Reçois d’elle une femme humble, modeste, sage,
Soumise aux mêmes lois qui règlent ton ménage.