Page:Mélanges d’indianisme.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
L’INDE AUX COMÉDIES FRANÇAISE ET ITALIENNE EN 1770

Le second acte s’ouvre par une scène entre la Veuve et sa Confidente, une Persane, nommée Fatime. Fatime ne comprend guère que la Veuve se soumette, de bon gré, à une loi cruelle. Mais la Veuve — nous apprenons alors qu’elle se nomme Lanassa — juge qu’elle ne peut pas s’y soustraire. Fatime ne comprend pas que les femmes subissent la loi sans révolte :

L’époux traîne à la mort son épouse fidèle ;
Mais lui, lorsqu’il survit, s’immole-t-il pour elle ?

La Veuve n’écoute rien : l’honneur exige qu’elle meure. Pourrait-elle, d’ailleurs, être heureuse ?

Lanassa n’a connu que des malheurs au monde :
Le veuvage et l’hymen, tout est affreux pour moi.

Fatime s’étonne : Lanassa n’était pas heureuse ! Et Lanassa se décide à parler. Elle aimait, elle était aimée.

Jour sinistre, où du Gange abandonnant les ports,
Nous partîmes d’Ougly pour habiter ces bords !
Vaisseau non moins funeste où le sort qui m’accable
M’offrit pour mon malheur un guerrier trop aimable !

Ce guerrier était européen.

               Pourquoi, dans les mœurs malabares.
Tous les Européens nous semblent-ils barbares ?
Fatime, ah ! que mon père avec un étranger
Sans violer nos lois n’a-t-il pu m’engager ?

Lanassa ignore ce qu’est devenu l’homme qu’elle aima. Mais, maintenant qu’elle est veuve, dans tout autre pays, elle aurait eu quelque bonheur à l’espoir qu’un jour, peut-être, elle le reverrait ; ici, elle doit mourir :

Je meurs ; c’est peu, je meurs dans un affreux tourment,
Pour rejoindre l’époux qui m’ôta mon amant…
Ah ! j’atteste le ciel que j’aurais avec joie
Subi pour mon amant la mort où l’on m’envoie.

Mais voici le jeune Bramine. Fatime l’accueille avec la dernière dureté. Sur l’ordre de sa maîtresse, elle sort, et le jeune