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2 54 LE ROMAN

Chrétien ne l'a pas terminé, ce n'est peut-être pas parce qu'il est mort, bien que son continuateur Gerbcrt de Montreuil nous l'assure, c'est parce que sa conscience souffrait d'une occupation si futile, et il est fort possible que le Saint Guillaume d Angle- terre soit l'expiation de son tort (en ce cas, on peut dire que s'il Ta écrit pour ses péchés, c'est pour les nôtres que nous le lisons). Semblablement, après le Tristan, — qu'il doit avoir entre- pris sur commande et que beaucoup d'indices font croire qu'il n'a pas fini (toujours le même procédé, bien désobligeant pour ses Mécènes!), — il a écrit le Cligés, qui est un monument élevé à l'amour ayant le mariage pour but et, en fait, un véritable Anti-Tristan. Nous verrons, dans la suite de cette étude, si Cligês répond bien ci cette définition. Quant à l'ensemble du système ', il suffit vraiment de l'exposer : c'est un jeu d'esprit qu'il y aurait du pédantisme à vouloir discuter en forme \ Je me borne à ce qui concerne le Tristan, et je n'hésite pas à dire que l'existence d'un poème sur Tristan par Chrétien de Troies, à laquelle j'ai cru comme presque tout le monde, me paraît aujourd'hui fort peu probable; j'en vais donner les raisons.

M. Novati a fait remarquer il y a longtemps ^ que la façon dont Chrétien parle de son poème est singulière : Cil qui fist... Del roi Marc et dTseul h blonde. Pourquoi mentionner le roi Marc et non Tristan, qui, dans toutes les allusions cà la célèbre histoire d'amour, est associé à Iseut ?« C'est, dit M. Fôrster "*, un pur hasard : cela allait mieux ainsi dans son vers. » On ne

��1. L'ouvrage le plus scandaleux de Chrétien était certainement sa traduc- tion de VArs aniatoria ; aussi a-t-il dû ne pas la terminer (ce qui en explique la perte) et traduire aussitôt après, comme contrepoison, les Remédia anioris. Je m'étonne que M. Fôrster n'ait pas ajouté ce couple positif-négatif à sa série.

2. Le cahier d'avril-juin de la Roniania [XXXI (1902), pp. 420-5] contient un article de M. Mettrop sur Cligh, où il y a de brèves et judicieuses réflexions à ce sujet.

3. Studj di filologia romança, t. 11(1887), P- 4^1 5 "•

4. Clives (présente édition), p. xxiii, note. La remarque de M. Novati avait déjà été acceptée ou contredite par MM. Rôttiger et Muret, auxquels renvoie M. Fôrster.

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