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Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/267

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CLIGÈS 263

poème', doit avoir été composé très peu de temps après. Il est possible que, pour une raison quelconque, Chrétien ait perdu la foveur de la comtesse de Champagne et ait quitté sa cour, laissant inachevé le poème qu'il écrivait pour elle, et qu'il autorisa Godefroi de Lagni à terminer. Il est certain que nous le trouvons peu après à la cour du comte de Flandre. Quant à Yvain, rien ne nous indique où il a été composé ; il n'est pas postérieurà 1174, puisqu'il y est parlé, comme vivant, de Noradin (Nour-ed-Dîn), qui mourut le 15 mai de cette année-. On peut l'attribuer à 1173.

Le Perceval a été composé pour Philippe d'Aussai (Alsace),

��I. Dans sa note au v. 3707 iï Yvain, M. Fôrster s'exprime ainsi : « Le poète saisit ici l'occasion de faire allusion à son roman du Chevalier de la charrette, soit qu'il y travaillât en même temps, soit que son collaborateur Godefrov de Leigni eût déjà terminé l'ouvrage commencé par lui. » Mais il ne s'agit pas ici d'une simple « allusion » : la seconde partie à' Yvain a pour fondement nécessaire le récit de Laiicelot, qui explique l'absence, puis le retour de Gauvain. Il fallait que le lecteur, — ou l'auditeur, car je ne sais pourquoi M. Fôrster veut que Chrétien ait destiné ses romans exclusivement à la lecture, — connussent le Lancelot pour comprendre ces passages (mais il n'est pas nécessaire que Godefroy de Lagni eût terminé sa continuation ; Chrétien avait fort bien pu laisser circuler son œuvre inachevée : dans aucun des trois passages cV Yvain qui renvoient à Lancelot, il n'y a rien qui se rapporte à la partie exécutée par Godefroi ; le dernier semble viser précisément les derniers vers écrits par Chrétien). Je m'étonne donc que M. Fôrster dise simplement (p. ix) qu'il est « possible » que Lancelot ait précédé Yvain : cela me paraît absolument sûr.

2. Rôhricht, Geschichte des Konigreichs Jérusalem (Innsbruck, 1898), p. 358. — M. Fôrster ne regarde plus (cf. Cligès, fe édition, p. m, n.) ce raison- nement comme inattaquable : « On peut, dit-il (p. xi, n. 2), objecter que des proverbes très employés peuvent passer à l'état de formules et survivre ainsi ; cf. le proverbe analogue sur Fourré, qui suit immédiatement celui-ci. » Le cas n'est pas le même : Fourré est un personnage héroï-comique de l'épo- pée, et d'ailleurs on peut toujours levengier, puisqu'il est mort. Au contraire, on ne peut « tuer Noradin » que s'il est vivant. C'était évidemment une raillerie usitée du temps où le victorieux sultan d'Alep était l'objet des craintes et des récits de toute la chrétienté : on ne put plus l'employer quand on eut appris sa mort qui eut un grand retentissement (aussi deux manu- scrits l'ont-ils remplacé par Saladin).

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