Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/325

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poursuit la vérité. Les événemens auxquels ils ont pris part ont-ils vivement agité les passions ? La curiosité a un stimulant de plus. Les gens qui prononcent étant plus nombreux que ceux qui raisonnent, la plupart des lecteurs, décidés à condamner avant de lire, s’arment de préventions défavorables, parce que les hommes, généralement parlant, haïssent et jalousent plus qu’ils n’aiment. Une preuve de cette assertion, c’est que les caprices par lesquels la fortune élève un individu intéressent moins que les catastrophes qui le précipitent. La curiosité, en pareil cas, est donc un sentiment complexe, dont l’analyse montre le désir de trouver dans la vie des personnages les moyens de conquérir de la gloire, du pouvoir, des richesses, plus encore de consoler l’amour-propre en cherchant des torts à ceux auxquels leurs vertus, leurs talens, ont donné une prééminence que l’on convoite ou que l’on conteste.

Autrefois, mon cœur eût repoussé de telles idées comme injurieuses à l’humanité. Que de faits désolans détrompèrent ma crédule inexpérience, et m’expliquèrent en quoi consiste pour bien des gens le charme qu’ils éprouvent en lisant Cornélius Nepos, Suétone, Plutarque, etc. !

Si, chez les Anglais plus qu’ailleurs, la biographie est en crédit, n’en concluez pourtant pas qu’ils aient plus que les autres nations l’ame imprégnée des dispositions per-