Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour juger sainement un homme public, il faudrait se dépouiller de toute prévention, défalquer de son histoire une portion de faits que la sagacité humaine n’a pu prévoir ni maîtriser, et sur le reste asseoir la sentence. C’est une très sotte engeance que cette multitude de raisonneurs qui, citant tous les siècles à leur tribunal, prononcent aujourd’hui sur ce qu’auraient dû faire Darius avant la bataille d’Arbelles, ou le peuple romain après sa retraite sur le mont sacré.

Les faits récens sont, dit-on, le domaine de l’adulation ou de la satire ; des amis m’ont élevé au ciel, des ennemis m’ont dévoué à l’enfer, et cependant je ne suis ni un saint, ni un démon : j’arriverai du moins au terme de ma vie escorté de l’estime des bons et de la haine des méchans. Si ma chétive créance sur la postérité est par elle réduite à une mention honorable, ils n’auront pas le même avantage, ces hommes qui, aspirant à une place très large dans les annales du monde, dont ils furent l’effroi, comparaîtront chargés de malédictions au tribunal de l’avenir, et seront jetés avec leurs adulateurs dans les égouts du passé.

L’homme probe, qui ne peut échapper à l’histoire, doit repousser l’imposture des accusations comme celle des éloges, et réclamer la portion d’estime publique à laquelle il a droit. « Le témoignage de votre conscience