Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/333

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d’ignorance concernant les pays étrangers chez des gens qui ne connaissent pas leur pays natal ?

Je reviens à notre Lorraine. Les maux qu’elle avait soufferts sous Louis XIV sont inouïs ; les actes de férocité qu’y avaient commis les satellites de ce tyran bigot, avaient presque échappé à l’histoire ; on n’osait les publier sous le règne des Bourbons ; mais une main fidèle les a recueillis ; tôt ou tard la vérité sort du puits, et l’on frémira en lisant les mémoires inédits de Jamerai Duval, que j’espère publier.

Les anciennes guerres entre la Lorraine et le pays Messin, dans lesquelles intervint jadis saint Bernard, comme médiateur, avaient fait naître de part et d’autre une haine, qui, depuis la réunion de ce dernier pays à la France, avait acquis plus d’intensité. Mais cette rancune est actuellement éteinte, surtout depuis l’excellente opération de l’Assemblée constituante, qui divisa la France en départemens. Cette haine avait cependant survécu même à la réunion de la Lorraine ; j’ai connu des voyageurs français qui ne voulurent jamais accepter le dîner qu’on avait fait préparer dans une hôtellerie à la Croix de Lorraine. Je pourrais citer cent autres anecdotes aussi bizarres. Tous les ans, lorsqu’en automne les campagnes étaient dépouillées, les jeunes gens des villages français et lorrains s’envoyaient des cartels toujours acceptés ; des yeux