Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/374

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soins de savans nécessiteux, et affranchir leur pensée en leur assurant cette indépendance de fortune qui les rend odieux aux riches et aux grands, parce qu’alors il y a une chance de moins pour les asservir. C’est là précisément ce qui a fait échouer notre entreprise. En Angleterre, l’autorité civile ne peut contrarier des sociétés de ce genre ; il n’en est pas de même en France, où l’on veut tout réglementer, où la malveillance qui coudoie tous les hommes de bien, comprime à son gré les élans de la vertu et du talent, en les présentant comme contraires à l’intérêt de l’état. Tel fut en peu de mots le sort de la société morte-née que nous avions formée.

Dans le cours de la Convention, j’avais rendu d’éclatans services aux savans, dont quelques uns ne l’ont pas oublié. Mes efforts avaient arraché au tison des nouveaux Omars, et nos bibliothèques et nos monumens. Je partage cependant l’opinion que les beaux-arts ont usurpé dans nos temps modernes, une considération supérieure à celle que leur assigne leur valeur réelle, et que cet excès d’estime est un préjugé que Rome a répandu sur l’Europe moderne ; ils sont enfans du luxe, et cette ignoble origine se remarque dans les mœurs souvent dépravées des artistes. Le colonel Weiss a dit très sagement : Une seule idée vraiment utile vaut mieux que des milliers d’épigrammes, de sonnets, d’ariettes, de ballets, et que