Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/377

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Les artistes et les poètes partagent le blâme qui flétrit par la mémoire de Louis XIV. Morellet prétend que jamais l’Académie française ne dérogea à sa dignité. Citera-t-il en preuve la fameuse question mise par elle au concours : « Laquelle des vertus du roi est la plus digne d’admiration ? » Champfort remarque à cette occasion que ce programme « fit baisser les yeux au monarque le plus aguerri à soutenir les excès de la louange ; au moins une fois il s’avoua vaincu, et ce triomphe était réservé à l’Académie. »[1]

À cette époque surtout, les poètes prodiguaient aux grands le titre de demi-dieux ; ceux-ci croyaient honorer les savans en conversant avec eux, et les savans avaient la sottise de partager ce préjugé ; ils se refusaient à voir que chez ce qu’on est convenu d’appeler grands, ils ne sont guère que des meubles de décoration, de vanité, dont par là même on fait quand on veut des meubles de garde-robe.

Un jour que Racine ou Boileau (je ne sais plus lequel), lisait une pièce de sa composition dans la chambre du roi, la chaleur excessive ayant incommodé le poète, Louis XIV ouvrit lui-même la fenêtre ; et d’imbécilles historiens ont recueilli ce fait comme une chose importante. Boileau lui écrivit :


Grand roi, cesse de vaincre, ou je cesse d’écrire.

  1. Des Académies, par Champfort.