Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/391

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savait apprécier l’importance de ce dépôt, se chargea de le cacher, et, pendant trois jours, il fut à sa discrétion.

Le même soir, 12 juillet, les six à sept cents députés qui n’étaient pas allés à Paris, se réunirent à la salle des séances. On se rappelle que précédemment c’était la salle des Menus ; c’est le local le mieux approprié à la tenue d’une assemblée de ce genre, quoique assurément elle n’ait pas été bâtie dans ce dessein. En l’absence du président, on m’invita à occuper le fauteuil. Au coup de sonnette, chacun se met en place ; les vastes galeries étaient remplies de spectateurs dont l’inquiétude pouvait encore s’accroître à l’aspect des physionomies sombres des députés. Je crus qu’il fallait les rassurer. J’improvisai sur les tentatives de la tyrannie, sur la ferme résolution qui nous animait tous d’exécuter le serment prêté au Jeu de Paume ; je finis par la maxime d’Horace : Si fractus illabatur orbis, impavidum ferient ruinæ[1]. L’applaudissement général couvrit ce discours : il fut décidé que la séance serait permanente. C’est la première de ce genre ; elle dura soixante-douze heures, et au milieu des agitations de la crainte s’intercalaient des saillies très plaisantes, très spirituelles. Voilà le Français.

  1. Voir les Lettres de Mirabeau à ses commettans.