Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/398

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avantages que s’arrogeait exclusivement la caste européenne. Des colons eussent rougi d’avoir pour épouses des négresses, qu’ils ne rougissaient pas d’avoir pour concubines. À l’église même, et jusqu’à la table de communion, où tout rappelle l’égalité, le blanc eût refusé le voisinage d’un esclave.

Pour régulariser la marche de la discussion, une conférence eut lieu entre Lafayette, Mirabeau, Condorcet et moi, chez le duc de La Rochefoucauld, qui a été égorgé à Gisors de la manière la plus barbare ; tous étaient membres de l’Assemblée nationale, excepté Condorcet qui partageait nos principes, et qui, sous le nom de Schwartz, avait publié une brochure relative à la question qui nous réunissait[1]. Nous fûmes d’avis unanime que les nègres et les mulâtres libres devaient être assimilés aux blancs par les droits politiques et civils, et que quant aux esclaves il ne fallait pas brusquer leur émancipation, mais les amener graduellement aux avantages de l’état social : ainsi pensaient également Brissot, Wadstrom, Pélion, Lanthenas, etc., et toute la société des Amis des Noirs dont j’étais membre ; ainsi pensent MM. Wilberforce, Barlow, Fox, Clarkson, Thorneton, Grandville-

  1. Réflexions sur l’esclavage des nègres, par M. Schwartz, pasteur du saint Évangile, à Bienne. Neufchâtel, 1788.