Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/404

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un ordre de choses plus conforme à la justice et à vos intérêts ; mais que firent les colons lorsque le décret du 15 mai 1790 fut rendu ? ils intriguèrent auprès du gouvernement pour empêcher la transmission de cette loi aux colonies, comme si on eût pu en dérober la connaissance aux nègres de ces contrées, dont on avait d’ailleurs électrisé les sentimens en arborant la cocarde tricolore, en répétant les chants de la liberté qui retentissaient à leurs oreilles et faisaient tressaillir leur cœur. Les colons obtinrent de la cour des ordres pour prohiber l’embarquement de tous les nègres et sangs-mêlés qui, étant en France, voudraient repasser aux Antilles. Le conseil souverain de la Martinique eut l’indignité de condamner à cinq ans de galères le malheureux Nadan, pour avoir répandu dans cette île un de mes écrits. J’ai eu le bonheur de briser ses fers, lorsqu’au commencement de la Convention nationale j’appris cet acte d’iniquité.

La haine de la tyrannie avait profondément irrité le jeune Vincent Ogé, mulâtre doué d’excellentes qualités. Cinquante libelles m’ont accusé de l’avoir fait partir. La vérité est que je le dissuadai de son projet, qu’il m’avait confié ; je lui avait prédit qu’il serait immolé : il l’a été. Ogé fut roué au cap ; son crime est celui de tous les hommes amis de la liberté.

Lorsque l’affranchissement général à Saint-Domingue