Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/406

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à la tyrannie des blanc ? L’esprit des sociétés religieuses en Angleterre et en Amérique, la maturité des abus, les connaissances qui pénétrent dans les Antilles, et, parmi les événemens futurs, celui par lequel cet archipel, secouant le joug de l’Europe, prendra part à des révolutions qui doivent déplacer les rapports commerciaux et changer la face du monde politique ; tout présage des changemens favorables à la justice. Wilberforce me proposait en 1802 de provoquer une mesure simultanée des deux gouvernemens, anglais et français, pour abolir la traite : ma volonté, à cet égard, ne fut jamais en défaut ; mais le succès n’était pas en mes mains. On frissonne en se rappelant que dans ces derniers temps on pillait, on égorgeait, on noyait par milliers les nègres de Saint-Domingue, qui, usant de représailles, ont répété sur les blancs les horreurs dont ceux-ci avaient donné l’exemple. Espérons qu’enfin la voix de l’humanité ne sera plus étouffée, et qu’à partir des côtes de Sierra-Leone, un jour nouveau luira sur ces contrées africaines, témoins des malheurs des indigènes et des crimes de l’Europe ; puisque déjà les États-Unis, l’Angleterre et le Danemarck, en proscrivant la traite, ont rendu un hommage solennel aux principes, et laissent entrevoir dans un avenir peu éloigné l’anéantissement définitif de l’esclavage des nègres dans les colonies.