Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/459

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de nos crises politiques. Le plus remarquable est la destruction de la féodalité. Ce sont spécialement les campagnes qui en profitent ; or, la population des campagnes étant à celle des villes comme trois est à un, il est évident que la nation a gagné. Ce gain est contrebalancé par des maux innombrables ; mais dans mon cœur, assurément rempli de sensibilité, je n’en trouve pas pour la plaindre, et surtout pour plaindre ces Parisiens à qui il faut, comme aux Romains dégénérés, panem et circenses, du pain et des spectacles. Ils ont un troisième besoin, celui de ramper. Les Français, disait J.-J. Rousseau, sont avilis, mais non pas vils ; ils sont présentement l’un et l’autre. La dignité de l’homme est désormais pour eux un mot vide de sens. Un peuple admirateur ne sera jamais digne d’admiration, jamais un peuple libre. Certes, je suis loin de regretter les siècles ténébreux du moyen-âge, vers lequel la génération actuelle est refoulée par le défaut d’instruction ; mais cette époque présentait encore des hommes d’un grand caractère, au lieu que dans les temps modernes, le caractère éteint rappelle la comparaison des monnaies dont l’empreinte est détruite : ce que chez nous et chez la plupart des peuples européens on nomme civilisation, n’est, à bien des égards, qu’une barbarie modifiée par d’agréables futilités. Quelle distance incalculable sépare l’homme tel qu’il est de ce qu’il pourrait être !