Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/460

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À l’aurore de la révolution, je crus sourire à la liberté ; je me livrai à cet élan avec la loyauté et le dévouement sans bornes qui animaient un cœur brûlant du désir de concourir au bien de ses semblables, de ramener la vertu, le bonheur sur la terre ; c’était d’ailleurs le langage de quelques milliers de fonctionnaires publics qui ont siégé à côté de moi dans des postes éminens. Je vois qu’effectivement ils aiment tendrement la patrie ; à condition toutefois qu’eux, leurs parens, leurs amis, leur intérêt, passeront avant elle.

Dans les dix-neuf siècles révolus depuis dix-neuf ans, on a fait sur le cœur humain un cours expérimental, le plus complet, le plus désolant. Quelle race infâme que ces grands patriotes, qui jadis ne me croyaient pas à la hauteur, et qui aujourd’hui se traînent dans la fange de l’adulation ! Dupuy a raison : ils ont usé la confiance publique et déshonoré même la louange. Témoin les phrases vilement blasphématoires de ce compliment fait à Lyon : n’es-tu qu’un homme, es-tu un dieu ? de ce fonctionnaire qui croit la mission divine du chef de l’état la mieux prouvée qu’on puisse citer ; de ce préfet du Pas-de-Calais, qui dit que Dieu, après avoir créé Bonaparte, se reposa ; témoin les pastorales de la plupart des évêques, et surtout celle de M. Della Torre, ci-devant évêque d’Acqui, aujourd’hui archevêque de Turin, où les éloges