Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/463

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teur ; mais des hommes dont le bon sens est le moins exercé, leurs laquais mêmes, percent l’enveloppe dorée sous laquelle se retranche une vaniteuse ineptie.

Dans mon ame se succèdent, ou plutôt se confondent l’indignation et le mépris, à l’aspect de ces êtres que j’ai vus alternativement me fuir et me courtiser. D’après leurs misérables calculs, quelques uns, en conservant une amitié apparente, exercent envers moi une persécution réelle : ils ne peuvent plus manier la hache contre les objets et les hommes religieux ; mais il leur reste pour ressource de manier l’ironie et d’aiguiser les sarcasmes. D’ailleurs non es amicus Cæsaris, vous n’êtes pas ami de César, disaient les Juifs à Pilate pour l’effrayer, lorsqu’il voulait céder à sa conscience en délivrant Jésus-Christ. Voilà l’image de la conduite des êtres que je signale ; et cependant je suis condamné à vivre avec eux. C’est je crois Jean-Jacques qui disait : l’homme est bon, les hommes sont méchans[1] ; eût-il raison, ce n’est pas avec l’homme abstractivement considéré qu’on est obligé de vivre, mais avec les hommes.

Je crois avoir vérifié ce vers de Guymond de la Touche :

« Qui sert les malheureux, sert la divinité.

  1. C’est une erreur de dire : l’homme est bon ; car le péché originel l’a corrompu, et je dois rectifier cette erreur dans mon ouvrage sur les Juifs.