Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/464

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Imperturbable dans mes principes politiques et religieux, je suis détesté par ces individus dont les variations sont aussi nombreuses que celles dont Bossuet a tracé le tableau. Je crois être convaincu de courage et de probité : j’ai démasqué, combattu les lâches et les fripons ; me voilà donc brouillé avec le public : être irréprochable ici-bas c’est quelquefois un crime.

Dans la société sont deux classes d’hommes sur lesquels on a les yeux fixés : les uns que la puissance méprise et que souvent elle aime et récompense ; les autres qu’elle estime, qu’elle hait et qu’elle persécute ; j’ai quelque droit de me placer parmi ces derniers. Je préfère la vertu, qui est l’hypothèque de l’estime, à la faveur, qui est si souvent le prix de la lâcheté[1]. Haïr, détester, exécrer, ces mots n’expriment que très faiblement mes sentimens envers le despotisme ; je mourrais peut-être d’alégresse si, dans tout l’univers, je voyais les nations briser leurs fers, rentrer dans leurs imprescriptibles droits, remplacer leurs chartes gothiques par la grande charte de la nature : mais quoique assurément on n’ait rien à craindre de la part d’un homme paisible et religieusement soumis à l’autorité, il est possible qu’on

  1. « We scorn preferment which is gain’d by sin and will tho’ poor without have peace within », dit Churchill. Poetical Works, Edimburg, in-12, 1783, pag. 2.