Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/288

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toujours et qu’on ne renouvellera pas l’insulte qu’on a bien voulu éloigner de moi et que je n’avais pas méritée.

Un homme prisonnier n’a à lutter que contre sa situation, telle que les adversaires la lui ont faite ; une femme prisonnière a non seulement la même situation, mais encore les complications de l’intervention des amis qui lui attribuent toutes les faiblesses, toutes les bêtises, toutes les folies ! Camarades, les hommes se plaisent à nous accabler et acceptent en son nom les abominables lâchetés auxquelles ne survivrait pas tout cœur honnête ; telle est la coutume !

Vous avez été bien bons pour ma pauvre mère et pour moi, mes chers amis, mais il faut vous habituer à ne pas compter pour folie si la mort de ma mère se dressant devant moi m’effarait. Souvenez-vous qu’une fois que la pauvre femme n’a plus souffert, je l’ai moi-même ensevelie, sans verser une larme et que de retour à Saint-Lazare, je me suis mise au travail le lendemain même de sa mort sans que personne m’ait jamais vue ni pleurer ni cesser un instant de tout voir avec calme.

Que veut-on de plus ?

Je vivrai pour la lutte, mais je ne veux pas vivre pour la honte ni sous la honte.