Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/57

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homme pendant des années allait s’asseoir silencieusement sous le manteau de la cheminée, le dimanche, sans oser témoigner autrement son désir de demander la fille de la maison en mariage.

— Bonjo tout le monde ! disait-il en entrant ; on lui offrait une chaise, et au bout de longues heures il se levait, disait : Bonso teurteu ! et s’en allait pour jusqu’au dimanche suivant.

Quand, rouge jusqu’aux oreilles, il osait faire sa demande, la jeune fille, si elle acceptait, rapprochait les tisons ; si elle refusait, elle laissait le feu s’éteindre. Dans ce cas, tout était fini ; dans l’autre, les parents s’arrangeaient pour régler la noce.

Aujourd’hui encore, les jeunes gens vont s’asseoir silencieusement au foyer de la bien-aimée, pendant longtemps, avant d’oser lui parler.

Jadis, près de la forteresse du pays (châté païot), on allait conjurer les esprits des ruines avec une pièce d’argent, un couteau affilé, une chemise blanche et une chandelle allumée.

Pourquoi faire la pièce d’argent ? disais-je. Et Marie Verdet, baissant la voix, répondait : — Pour le diable !

Et la chandelle allumée ? C’est pour le bon Dieu ! Et la chemise blanche ? Pour les morts !