Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/59

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l’on y est seul, ou si l’on y voit toujours les mêmes objets. Il faut y faire naître de la variété, et j’ai besoin moi-même que vous me fassiez part de vos plaisirs et de tout ce qui se passera à Épinay.

Tu sais à qui je dois des souvenirs et des compliments. Je t’en charge. Je compte que dans peu de jours mes affaires sont finies ici, et que j’en pourrai partir pour continuer ma route. Malgré cela, je ne vois encore que de bien loin mon retour à Paris. Plus je m’en éloigne, et plus j’aspire au plaisir de m’en rapprocher. Soutiens-moi dans cette espérance, ma chère Émilie, par le bonheur de recevoir de tes lettres. Je sens que je m’oublie, et crois être avec toi. J’ai peine à te quitter ; mais il le faut, et je ne puis plus te dire autre chose, sinon que je suis mille fois à toi.




Après cette lettre qui l’enchanta, comme si elle en eût valu la peine, elle fut trois ou quatre ordinaires[1] sans en recevoir. Si elle eût attribué ce silence à la négligence de M. d’Épinay, elle auroit été excessivement malheureuse.

Enfin elle en reçut une seconde à peu près semblable à la première, et où M. d’Épinay n’avoit pas encore l’air

  1. En 1746, il y avait bien peu de villes en France qui fussent en communication avec Paris par un service journalier de courriers. On n’en envoyait guère que sur la route d’Angleterre, celle de Bruxelles, celle de Rouen, celle d’Orléans et celle de Strasbourg. Bordeaux ne recevait de lettres que trois fois la semaine ; il en était de même de Lyon et de Brest. Les courriers ne partaient que deux fois par semaine pour Bourges, et une fois seulement pour l’Auvergne. C’est sur les côtes de Bretagne que M. d’Épinay faisait sa tournée.