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Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1863.djvu/105

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lui dont la sagesse, ennemie surtout des erreurs de mauvaise foi et de l’inutile dispute, et dépourvue d’ambition vulgaire, se portait tout entière aux amitiés choisies, et à ces affections durables qui contiennent à peu près tout ce que les Dieux ont mesuré de bonheur aux hommes, dans la proportion d’un bien pour deux maux, suivant une poétique maxime de cette sagesse antique, si goûtée de son âme chrétienne.

Sans doute, il ne fut point de la famille de ces hommes de génie que les siècles les plus fameux ne peuvent compter qu’en petit nombre, qui suscitent par les coups de leur art les applaudissements universels, ou que le monde honore comme les maîtres de la pensée et de la parole. Il fut de ceux qui forment pour ainsi dire leur société naturelle. Et s’il arrive que le génie est quelquefois infidèle à la mission qu’il tient de Dieu, qui est d’élever notre esprit, par le sentiment de l’admiration, jusqu’à la beauté morale où il atteint lui-même par la puissance de ses facultés ; s’il a malheureusement permis au poison de s’infiltrer dans ses œuvres ; s’il nous émeut et nous alarme à la fois par ces beautés sombres qui brillent sous un ciel bas, semblables à l’orage qui intercepte les hautes clartés, des pensées comme celles de Joubert sont le vrai correctif de ces tristes exemples. C’est ainsi qu’il révérait la sainteté du génie dans ce vieux Corneille qui, seul au monde, égala dans ses tableaux l’héroïsme romain, et l’héroïsme plus grand encore qui vint ranimer la terre quand celui-là