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Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1863.djvu/88

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un premier trait de son caractère, qu’alors même il rendait grâces au ciel d’avoir été un enfant doux, dont les cris étaient arrêtés, même la nuit, et les larmes taries à l’instant par un mot ou par une chanson de sa mère ? Fils d’un médecin de Montignac, et le premier de huit enfants, il fut envoyé à quatorze ans au collége des Jésuites de Toulouse, pour y achever l’étude des langues classiques. Puis, à l’instigation des pères que son intelligence avait frappés, il commença lui-même à se livrer à l’enseignement sous leur direction. Cet essai ne fut pas heureux. Soit que la frêle santé de Joubert soutînt mal les fatigues qui lui imposaient de telles fonctions, soit que sa jeunesse fût agitée par les rêves d’une ambition qui l’appelait sur un autre théâtre, il renonça bientôt à cette carrière paisible, et vint à Paris, où il connut des littérateurs célèbres.

Dans sa correspondance, il raconte son passé à une femme que tous ceux qui l’ont connue ont représentée comme un merveilleux esprit ; je veux parler de Mme de Beaumont, dont le père, M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères sous Louis XVI, avait péri victime de la terreur, avec la plupart des siens. Quand Joubert parle de lui-même, il ne fait pas de ces confessions où l’amour propre trouve son compte à s’accuser, en se dédommageant par l’orgueil. Il garde l’honnête sincérité dont il ne s’est jamais départi dans le commerce de l’amitié. L’excellent homme, dans ses épanchements intimes, reproche aux années de sa jeu-