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Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1863.djvu/89

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nesse d’avoir été pénibles pour sa mère. Il dépeint celle-ci inquiète, alarmée, et fière de ce fils intrépide dans ses espérances, dédaigneux de prévoir, prompt à donner, inhabile à acquérir. Je ne me livrais, dit-il, qu’à des occupations qui ressemblent à l’oisiveté, et dont elle ne connaissait ni le but, ni la nature. Mais, en se reprochant les inquiétudes et les terreurs qu’il lui causait, il aime à rappeler l’estime que lui témoignait sa tendresse, et ajoute : rien n’a valu pour moi les suffrages de ma mère ! Mot touchant, de la part d’un homme que nous verrons honoré de si grandes amitiés.

Le voilà donc lancé dans ce tourbillon où s’agitaient les hommes de lettres qui passionnaient la France et l’Europe ! La conversation, où Joubert excellait par la rapidité et par la finesse de ses pensées, exerçait dans ce monde un empire presque absolu. Elle était déjà reine et grande reine, au dix-septième siècle, mais sans rien coûter à la conscience et au sérieux de l’écrivain. Cette discipline morale, qui dirigeait alors la pensée des esprits les plus hardis, des Pascal et des Descartes, et qui agrandit le cœur de l’homme, tout en le rappelant au juste sentiment de sa faiblesse, n’était assurément pas sans influence sur la société de ce siècle, ni sur son goût pur, délicat et élevé. Alors le monde et les lettres, obéissant aux mêmes croyances et aux mêmes principes se touchent et se pénètrent, mais sans se confondre, gagnant à se rapprocher et à se distinguer. Cette grande société doit donc beaucoup aux écrivains admirables